Un truc de Wouf !

ou pourquoi les grands groupes ont tant de mal sur les réseaux sociaux...

Quel est le point commun entre le cerveau humain et les chiens ?

Attention, la réponse pique un peu : les deux sont très bons pour renifler le caca.

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Pour le cerveau humain, c’est pareil. Enfin presque. Car ça ne passe pas par le nez (vous vous en seriez aperçu), ça passe par la vue. Et on ne parle pas d’un caca au sens d’une production corporelle, mais au sens de la production digitale. Notre cerveau possède en effet un 6ème sens redoutablement efficace pour “sentir” les publications sans intérêt, trop commerciales, amateurs ou carrément nulles. Bref, les productions de m…

C’est ce filtre qui permet à notre cerveau de passer d’un mode pilote automatique (le Système 1 de Kahneman), à un mode concentration quand il remarque une information intéressante. Grâce à ce filtre, on scrolle habilement sur notre fil d’actualité en notant à peine les contenus sans intérêt et en nous arrêtant sur les pépites. Genre, ça.

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Bref.

Et c’est en observant que je sautais systématiquement les publications des grands Groupes sur LinkedIn que je me suis dit qu’il fallait creuser un peu le sujet : étais-je le seul dont le cerveau catégorise les posts des grands Groupes dans la case “sans intérêt” ?

En regardant d’un peu plus près le nombre de “likes” recueillis par ces publications, ma première impression fut que les scores étaient un peu légers pour des multinationales. Notamment si on les compare aux scores d’individus bien moins célèbres (Michael Aguilar, Pauline Laigneau, Anne-Sophie Pic, etc.) ou à ceux de certaines simples PME (Michel et Augustin, …). Et vraiment très légers si on considère les atouts de ces Groupes : un nombre énorme d’abonnés, une notoriété internationale, des budgets de communication dédiés et l’implication de Community Managers professionnels !

Sans faire une étude approfondie sur le sujet, j’ai listé le nombre de réactions obtenues par les 8 derniers posts de 9 Groupes du CAC40. Un échantillon très modeste des scores atteints par des entreprises de tous secteurs, en B2B ou en B2C. Pas de jaloux. Tu trouveras ces chiffres à la fin de cet article.

Mon interprétation de ces chiffres m’a permis de répondre à ma question initiale : je ne suis manifestement pas le seul à passer par-dessus ces publications sans y jeter un oeil. Quand Danone (plus de 2 millions d’abonnés) fait un post à 48 likes, alors même qu’y sont taggés deux autres mastodontes (BNP Paribas et ENGIE, respectivement 850k et 500k abonnés), c’est qu’il y en a beaucoup sur LinkedIn qui ont activé leur Caca-Filter

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Mais alors, comment expliquer ces scores un peu médiocres ? Nous avons listé les 8 explications principales de ce phénomène qui touche la plupart des entreprises (la 8ème est incroyable…😜).

1. L’objectif de la présence sur LinkedIn n’est pas de faire du buzz…

Au moment où j’écris ces lignes, je n’ai pas encore connaissance du post que j’ai publié sur le sujet, mais je te fiche mon billet que je vais avoir droit à ce genre de commentaires, sous une forme ou sous une autre. Derrière cette objection se cache en fait 2 réalités différentes.

Certains Community managers n’ont authentiquement pas d’objectifs en termes d’engagement. No comment… Pour d’autres (qui ne manqueront sans doute pas de critiquer la taille de mon échantillon), l’objection sera juste une manifestation de mauvaise foi, ce qu’on appellerait en psychologie une rationalisation a posteriori.

2. Euh, pardon, excusez-moi, m’sieur ! 

La phrase classique de l’inconnu qui t'aborde dans la rue, l’air de ne pas y toucher, mais qui en fait veut te taxer une clope. Avec les publications des entreprises, c’est un peu le sentiment que l’on a : qu’est-ce qui veulent encore nous vendre ?

Les logiques de réciprocité gratuites (dons, contre-dons) sont pourtant essentielles pour construire une relation. Des posts que l’on peut suspecter d’être purement transactionnels ne parviendront pas à engager une relation.

3. Moi, vous savez, les personnes morales…

Notre cerveau aime la simplicité et les raccourcis. Il aime donc pouvoir incarner les choses. Ce qu’il est compliqué de faire lorsque l’on publie avec la page LinkedIn d’une personne morale. Liker ou commenter la page de la SARL BIDULE, ça donne un peu le sentiment de s’entretenir avec un robot. Et comme on préfère interagir avec des personnes réelles, notre cerveau sera immanquablement plus attiré par les posts des personnes physiques que ceux de votre page corpo…

Certaines entreprises l’ont bien compris et mettent davantage en avant les publications de leur CEO que celles de leur page institutionnelle. Les posts de Frédéric Oudéa sont ainsi beaucoup plus populaires que ceux de la page Société Générale.

4. Vous ne comptez quand même pas publier ça ?!

Pauvres Community Managers perpétuellement bridés par des chefs qui semblent ne pas avoir compris l’essence des réseaux sociaux… Le fond du problème est là aussi éclairé par la psychologie. Nous sommes conditionnés pour détester la prise de risque.

Alors, entre une publication un peu audacieuse et un filet d’eau tiède, les directeurs marketing ou communication choisissent souvent le filet d’eau tiède (il s’agit quand même de l’image du Groupe !). Au final, on termine avec 10 likes sur une publication sans intérêt.

5. We’re international, man!

Le problème des grands Groupes, c’est qu’ils sont grands. Ils sont dans tous les pays et opèrent des activité incroyablement diverses. Alors quand ils communiquent sur leurs activités, c’est souvent un peu boring. Ce que l’on aime, c’est au contraire des informations très ciblées et très personnalisées.

Ce que ces entreprises ont souvent du mal à faire. Quand je vois un post intitulé Are you reframing your future or is the future reframing you? avec une photo d’autoroute… Comment dire ? Un contenu global, ultra vague, une photo qui n’illustre rien, le tout en anglais. Aïe donte file intérèstid. Désolé EY.

6. On n’est pas en bois, quand même...

A force de ne pas investir suffisamment dans la psychologie, certaines marques oublient des mantras essentiels, dont un que j’affectionne particulièrement : l’émotion précède la raison. Quand il est face à une information nouvelle, notre cerveau produit d’abord une émotion. Et c’est cette émotion de quelques millisecondes qui joue le rôle du caca-filter.

Si l’émotion produite n’est pas la bonne (exemple : zone de tel format avec un gros logo = pub = danger), ou si aucune émotion n’est créée, le cerveau considérera l’information comme inutile. Le problème de beaucoup d’entreprises, c’est qu’elle opèrent comme si le monde était peuplé d’homo oeconomicus. Une erreur fondamentale… qui les conduit à créer des contenus dont ni la photo ni le titre ne s’appuie sur les émotions.

7. "Frankly, my dear, I don't give a damn."

Reprenons le post “reframing your future” d’EY. On a déjà dit que 78 likes quand on a 4,3m d’abonnés, c’est quand même très nul. Mais n’oublions pas qu’EY, c’est aussi 277 422 collaborateurs qui sont sur LinkedIn. Alors pas forcément tous très actifs sur ce réseau social certes, mais quand même !

En gros, il n’y a, au plus, que 0,0003% des collaborateurs d’EY concerned about reframing their futures. Inquiétant, non ? 😏. Bref, une entreprise devrait s’interroger sur l’intérêt de ses publications quand, au sein même de ses troupes, 99,999% des collaborateurs se fichent royalement des communications de leur employeur. Avoir des collaborateurs ambassadeurs, c’est au contraire un excellent signe que tout est aligné...

8. Chouette, un article sur le nouveau système de téléphonie de mon banquier !

Souvent, quand tu es assureur, énergéticien ou garagiste, tu penses inconsciemment que tout le monde s’intéresse autant que toi aux assurances, à l’énergie ou aux voitures. La réalité, c’est que tu projettes ton modèle mental sur les autres. Et, le problème en marketing, c’est que projeter sur les autres sa propre façon de voir les choses, ça s’appelle du narcissisme déguisé en stratégie. Il faut au contraire comprendre la psychologie de ses clients, et ce qui les intéresse vraiment.

La réalité, c’est qu’on a souvent l’impression que les posts LinkedIn de certains entreprises ont été rédigées par la Com Interne (on aime les gens de la com' interne... mais surtout quand ils font de la com' interne).

C'est Total qui évoque son ambition NetZero comme si tout le monde savait de quoi il s’agissait. C’est Thalès qui nous raconte que l’une de ses collaboratrices, Tanja, s’est bien acclimatée au télétravail (Bravo, Tanja !).

C’est Atos qui publie une intrigante vidéo mystérieusement intitulée BXI V2, avec le chapô suivant: #Exascale entails an explosion of performance, of the number of nodes/cores, of data volume and data movement. The #interconnect is going to be a key enabling technology for exascale #hpc systems. Les geeks parlent aux geeks… Sur un sujet qui pourrait en fait toucher un public beaucoup plus large que les 60 spécialistes qui connaissent déjà l’univers des supercalculateurs…

Nous espérons que ce décryptage t'a plu, et qu’il t'aidera booster tes performances sur LinkedIn !

Bonne journée à toi !

Christophe (et Patrice)

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Les chiffres de réactions relevées sur les publications du CAC40